céline canard

Les grandes villes ont un rapport particulier à l’histoire. Celle-ci envahit leur espace par la commémoration, la célébration ostentatoire des victoires et des conquêtes. Et parce que l’histoire est aussi violence, c’est souvent de plein fouet que l’espace des grandes villes en reçoit les coups. Elles portent la marque de ces blessures. Cette vulnérabilité et cette mémoire ressemblent à celle du corps humain et ce sont elles, sans doute, qui nous rendent la ville si proche, si émouvante.

Aujourd’hui, le mur n’est plus gère visible, même si son tracé est balisé, au centre de la ville sur une longueur de 20 kilomètres, par une ligne rouge ou une double rangée de pavés. Il n’en reste plus que quelques vestiges épars, en guise de mémoriaux. Les Berlinois avait hâte de voir disparaître cette cicatrice douloureuse.

Berlin est un raccourci à elle seule de l’histoire du siècle passé et un témoin actif de celle qui s’ébauche, c’est pourquoi quelque chose se dit sans doute ici d’elle et de l’Allemagne. Et peut-être, en ces lieux plus qu’en tout autre, peut-on sentir la crainte vague et irraisonnée que les folies du siècle où nous venons d’entrer soient à la mesure de celles que nous tentons aujourd’hui de conjurer en les commémorant. 

D'après un texte de Marc Augé